Il y a ce que l’on montre… et ce que l’on ressent.
Ce que l’on fait voir… et ce que l’on tait.
Dans la vie quotidienne, et plus encore dans les relations sociales ou professionnelles, beaucoup de personnes s’efforcent de renvoyer une image maîtrisée d’elles-mêmes. Une image “présentable”, ajustée, polie. Parfois confiante, compétente, toujours souriante.
Cela peut sembler anodin — ou même nécessaire.
Et pourtant, derrière cette apparente facilité relationnelle, se cache souvent une tension silencieuse : celle de devoir tenir un rôle, contrôler ce que l’on renvoie, veiller à ne pas “déranger” ou “décevoir”.
Dans le cadre thérapeutique, ce thème revient souvent sous des formes variées :
“Je n’ose pas dire ce que je pense vraiment.”
“J’ai peur qu’on me juge si je montre mes émotions.”
“Je donne l’impression d’aller bien, mais je me sens seule.”
“Je sais que je ne suis pas authentique… mais j’ai peur de l’être.”
Ces phrases sont le reflet d’un mécanisme profondément humain : celui de vouloir être accepté·e, reconnu·e, considéré·e.
Mais à force de vouloir bien paraître, on finit parfois par s’éloigner de soi-même.
Et surtout, on passe à côté de la qualité des liens que l’on pourrait réellement tisser.
Ce que ce besoin de contrôle protège… empêche aussi de se relier.
Pourquoi l’image devient parfois plus importante que la relation.
Ce que cela révèle, ce que cela coûte.
Et comment, progressivement, il est possible d’alléger ce fonctionnement — pour retrouver des relations plus vraies, plus nourrissantes, et plus simples.
Dans l’accompagnement thérapeutique, il est fréquent d’observer une tension silencieuse chez certaines personnes : le besoin intense de maîtriser l’image qu’elles renvoient.
Toujours bien se présenter. Donner le change. Afficher assurance, calme, performance.
Mais ce comportement, loin d’être une superficialité, est souvent l’héritage d’un apprentissage profond et précoce.
Derrière cette image bien tenue se cache un besoin fondamental de sécurité psychologique.
Certains ont grandi dans des environnements où montrer ses émotions était perçu comme une faiblesse.
D’autres ont appris à “faire bonne figure” pour éviter le rejet, la critique ou la colère d’un parent, d’un enseignant, ou plus tard d’un supérieur hiérarchique.
L’image devient alors un rempart : si je parais solide, compétent·e, agréable, alors je serai accepté·e.
Ce mécanisme, à l’origine protecteur, finit par se généraliser.
Il ne concerne plus seulement les contextes menaçants, mais s’installe dans tous les domaines de la vie : professionnel, amical, intime.
Et cette image, parfaitement maîtrisée, prend parfois toute la place.
La peur de ne pas être “suffisamment bien” — assez intéressant·e, assez intelligent·e, assez digne d’être aimé·e — pousse à surinvestir l’image.
Et cette peur s’accompagne souvent de croyances automatiques puissantes, typiques des schémas dysfonctionnels en TCC :
Ces pensées sont rarement formulées consciemment, mais elles dictent de nombreuses décisions, postures, et attitudes.
Et ce qu’elles empêchent, c’est la spontanéité relationnelle.
On évite de dire ce que l’on ressent vraiment.
On tait ses besoins.
On anticipe les attentes de l’autre au lieu de se relier sincèrement à lui.
Peu à peu, la relation devient une performance silencieuse, une mise en scène du “soi acceptable”.
De nombreuses personnes expriment en thérapie un profond sentiment de solitude ou d’incompréhension, alors même qu’elles sont très entourées.
Elles jouent leur rôle à la perfection, gèrent, rassurent, conseillent…
Et pourtant, elles ne se sentent pas vraiment connectées.
“Tout le monde croit que je vais bien, parce que je souris. Mais à l’intérieur, je me sens seule.”
Ce décalage entre ce que l’on montre et ce que l’on vit crée une fracture intérieure.
On a beau être félicité·e, reconnu·e, apprécié·e… si cette reconnaissance ne s’adresse qu’à une image construite, elle ne nourrit rien.
Et avec le temps, ce mécanisme peut devenir épuisant, voire aliénant.
On ne sait plus comment être autrement.
Et l’idée même de se montrer vulnérable devient source d’angoisse.
La thérapie cognitive et comportementale permet d’aborder ces enjeux avec beaucoup de délicatesse, mais aussi de clarté.
Le travail commence souvent par une phase d’observation :
L’objectif n’est pas de “démonter” le mécanisme, mais de le comprendre, puis de proposer des alternatives plus souples, plus ajustées.
Parmi les outils :
Ces expériences sont souvent libératrices.
Elles ouvrent des espaces où la personne peut retrouver sa place dans la relation, non plus comme un personnage à tenir, mais comme une présence à offrir.
Être soi ne veut pas dire tout dévoiler ni s’exposer sans filtre.
C’est simplement oser relâcher un peu le contrôle, laisser apparaître quelque chose de plus vrai — parfois maladroit, parfois sensible, mais toujours humain.
C’est souvent dans ces moments-là que la relation se transforme.
Un regard devient plus doux.
Une conversation prend un tour inattendu.
Quelque chose se relâche… et l’on se sent enfin reconnu·e pour ce que l’on est, et non ce que l’on montre.
Le lien vrai commence souvent là où l’image s’efface un peu.
Et si la véritable question n’était pas :
“Quelle image est-ce que je donne de moi ?”
Mais plutôt :
Quel type de relation ai-je envie de vivre ?”
Des relations plus justes. Moins parfaites, mais plus profondes.
Des liens qui nourrissent, au lieu d’obliger à performer.
C’est parfois un chemin ... Mais c’est surtout une libération douce, pas à pas, vers une forme de présence plus libre… et plus vraie.